Le numérique au service du lien social

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Le numérique au service du lien social

Un regard sur la vie à la MAS Le Boisjolan

Connaissez-vous le décret de 1975 appliqué à la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées ? Avec ce décret, la France a reconnu le droit pour toute personne en situation de handicap de bénéficier de tous les dispositifs de la vie ordinaire. Ce n’est en soi pas une grande révolution pour le monde du handicap, mais ce décret a tout de même impulsé quelques petits développements comme la création des Maisons d’Accueil Spécialisées (MAS) en septembre 1978. Ces établissements destinés aux adultes en situation de handicap ont pour vocation de répondre à leurs besoins au vu de leur « grande dépendance » liée à leur handicap. 

La MAS Le Boisjolan (dont l’organisme gestionnaire est l’Association AFASER) fait ainsi partie de la liste des quelques 700 MAS en France. La structure accueille des personnes atteintes d’une maladie invalidante mais aussi, et surtout, des adultes polyhandicapés très dépendants dans tous les actes de la vie quotidienne et qui nécessitent des soins permanents. Située à Villiers-le-Bel, à la frontière de Sarcelle dans le département du Val D’oise, la MAS a ouvert ses portes en 2002 et a, aujourd’hui, la possibilité d’accueillir 40 résident·e·s. L’objectif de l’établissement est de « proposer aux résidents (…) un lieu de vie adapté propice à un bien-être physique et psychique, “une maison où vivre sa vie d’adulte” et, aux membres de leur famille, un relais et un soutien ». En plus d’être un centre médicalisé, le projet de la MAS Le Boisjolan est d’accompagner le projet professionnel des résidents.  Des activités de préparation au monde professionnel sont ainsi organisées dans les locaux en partenariat avec des acteurs de proximité.

 Fonctionnement de la structure

En nous rendant sur place, nous avons eu la chance d’échanger avec des personnes de trois corps de métier : des AES, des éducateur·rice·s, ainsi qu’une cheffe de service. Ces discussions nous ont permis de comprendre l’importance de chaque métier et les tâches qui en découlent. Plus important encore, nous avons pu clairement distinguer une chose en commun chez tou·te·s ces professionnel·le·s : tou·te·s sans exception n’ont à cœur principalement qu’une chose, le bien être des résident·e·s. En dehors de cela, d’autres facteurs participent à la bonne organisation des équipes, comme la bonne ambiance et la bonne entente entre les professionnel·le·s, mais c’est très certainement l’écoute et la compréhension des supérieurs qui priment après cette dévotion commune pour les résident·e·s. En effet, même si une hiérarchie est en place, celle-ci n’impose pas et ne dirige pas avec fermeté. Ce choix de direction s’explique notamment par le fait que beaucoup des supérieurs étaient à la base de l’organigramme avant de gravir les échelons, ce qui leur permet donc de mieux comprendre les réalités du métier et d’ainsi faciliter grandement les échanges avec les AES notamment. En somme, tout cela impacte de manière positive la vie des résident·e·s qui vivent dans un environnement où l’organisation fonctionne plutôt bien, ce qui permet d’autant plus l’ouverture à des activités extérieures et à des projets tels que E-FABRIK’.

Mais à quoi ressemble une journée type à la MAS Le Boisjolan ? Pour commencer, l’établissement est divisé en quatre unités distinctes réparties selon les quatre couloirs que composent les chambres des résident·e·s sur les deux étages de vie. Pour chaque unité est attribuée une équipe de professionnel·le·s qui s’occupent des résident·e·s dont les chambres composent l’unité. L’espace de vie de ces unités se résume à un salon propre à chacune d’elles, et une cuisine ainsi que des salles de bains communes attribuées par paire d’unités sur les deux étages. Pour ce qui est de l’accompagnement des résident·e·s au quotidien, deux équipes de jour se relaient en milieu de journée afin d’assister les résident·e·s dans leurs tâches du quotidien. Une première équipe assure les levés, les toilettes, les petit-déjeuners, les activités du matin et les déjeuners, avant d’être relayée en début d’après-midi par la seconde équipe de jour qui s’occupe, elle, du temps de repos de l’après-midi, du goûter, de l’activité avant le repas du soir, du souper et enfin des couchés.

Ce travail effectué par les AES est complété par l’équipe paramédicale qui vient apporter aux résident·e·s les soins nécessaires en journée. La nuit, une équipe de veilleur·euse·s est mise en place pour surveiller le sommeil des résident·e·s, vérifier que tout se passe bien en passant faire des rondes dans les chambres plusieurs fois durant la nuit. Au besoin, l’équipe apporte des soins, médicaux ou non, aux résident·e·s de manière à ce que leur nuit soit la plus confortable possible. Et au petit matin, toute cette petite organisation reprend de plus belle avec la première équipe de jour qui arrive.

Qu’en est-il des activités des résident·e·s ? Un programme est mis en place par l’équipe des professionnel·le·s pour savoir quelles seront les activités de la semaine et établir qui y participera en écoutant bien sûr les envies des résident·e·s. Ce qui est très sympa au sein de la MAS, c’est qu’il y a une certaine liberté concernant les activités : cela peut-être une sortie pour des achats personnels d’un·e résident·e comme une sortie organisée par les AES qui souhaitent mettre en place quelque chose. On retrouve donc au programme diverses activités possibles, en intérieur comme en extérieur : équitation, danse, boxe, etc. De plus, il existe des pièces au sein de la MAS pouvant être utilisées par les résident·e·s lors de temps d’activité comme la pièce sensorielle ou la pièce de temps seul avec un vidéo projecteur et une sono.

La MAS Le Boisjolan dispose d’une plutôt grande et belle structure avec un bon fonctionnement et des activités qui plaisent aux résident·e·s. Nombreux sont les points forts et les atouts de la structure mais pour autant subsiste un point faible : le manque de visibilité de l’établissement. C’est un regret partagé par tou·te·s : la structure est en effet quelque peu difficile d’accès notamment parce qu’elle manque de visibilité.

 Le monde du handicap

Les interviews des professionnel·le·s que nous avons eu la chance d’interroger nous ont permis de comprendre un malaise commun : ce sentiment de marginalisation du monde du handicap. Nous en avons tou·te·s conscience au plus profond de nous ; cependant, pour eux, il s’agit d’une réalité qui frappe chaque jour leur quotidien et très certainement le quotidien de toutes les personnes qui font partie de près ou de loin du monde du handicap. « Au lieu de permettre aux personnes en situation de handicap de s’intégrer, on a tendance à les marginaliser comme par exemple avec les transports en commun encore trop difficiles d’accès » nous dit Noëlla, une des AES de l’unité 4. Ce sentiment d’exclusion traduit un besoin de reconnaissance et d’acceptation que revendique notamment les AES qui trouvent que leur travail n’est pas assez connu et reconnu aux yeux de tout le monde. « Nous, on est les dernières promos d’AMP, devenu maintenant AES, mais quelque soit le titre qu’on nous donne c’est un métier très très fatiguant, très prenant aussi bien physiquement que mentalement. On a l’impression trop souvent d’être relégué·es au plan, excusez-moi du terme, de “toiletteur”. C’est un boulot bien trop dévalorisé en comparaison de l’apport que nous donnons au quotidien aux résident·es » a surenchéri Jacqueline, une autre AES de la même unité.

Ce ressenti général n’est le résultat que du triste constat d’une société qui contribue à la marginalisation des personnes en situation de handicap. Et l’un des premiers manquement de la société se situe au niveau législatif comme peut le souligner Mme Hafsa Bakari, cheffe de service à la MAS, lorsqu’elle dit : « Il y a une loi qui a été votée en 2005 pour l’intégration des personnes en situation de handicap à la vie de la société, à la citoyenneté, à l’accessibilité ; aujourd’hui il y a des mairies, des transports, des établissements publics qui ne sont pas accessibles. » ; « On était au ski il y a deux semaines et on avait un budget restaurant qu’on a pas pu utiliser puisqu’on a pas pu trouver de restaurant accessible. Ça, c’est la réalité des personnes en situation de handicap ». En effet, malgré les efforts réalisés au niveau législatif, l’application de ces lois mises en place dans les années 2000 reste trop peu visible. Il y a donc une réelle prise de conscience à effectuer sur ce plan mais aussi dans nos mentalités, et cela, nous pouvons d’autant plus l’assimiler avec de tels exemples qui poussent à la réflexion : « Quand on sort, on a toujours des regards des gens qui sont choqués de voir les résident·es. Ils les regardent comme si le handicap était quelque chose qui ne pouvait pas exister sur cette terre. Ça nous peine beaucoup. » (Noëlla) ; « Il y a encore beaucoup trop de gens qui agissent avec dégoût envers les personnes en situation de handicap, le simple fait d’être à côté d’eux, ce n’est même pas dérangeant pour eux mais ça les répugne carrément, et ce n’est absolument pas normal. » (Jacqueline). Pour pallier ce genre de comportement, il est nécessaire de prendre conscience de la réalité dans laquelle nous vivons, où les personnes en situation de handicap existent et où nous devons les traiter comme les êtres humains qu’ils sont en les considérant de la même manière que n’importe quelle autre personne. Cela peut déjà commencer par quelque chose de très simple comme les regarder, leurs parler, ne pas les déshumaniser tout simplement en ne s’adressant pas à eux directement mais à leur accompagnateur·rice. Et dans cette démarche de prise de conscience sur le monde du handicap, il est nécessaire aussi de connaître ces chiffres affolants : « On est aujourd’hui à plus de 6000 personnes adultes en situation de polyhandicap sans solution juste en Île-de-France et plus de 3000 enfants sans solution. Donc c’est 3000 familles sans solutions et 6000 familles qui ont des adultes sans solution, 6000 familles en difficulté avec leur enfant adulte à la maison » (H. Bakari). Cette situation est plus que préoccupante mais pour autant elle ne fait pas partie des débats de société qui semblent extrêmement importants, et encore une fois c’est très certainement à cause de cette marginalisation  du monde du handicap.

Au-delà de ces constats plus que désolants, il est important de souligner la beauté des métiers qui composent des structures telles que la MAS Le Boisjolan. Au quotidien, les professionnel·le·s apportent aux résident·e·s en leur facilitant leur confort de vie souvent compliqué à cause de leurs différents handicaps, iels participent à leur bien être mais aussi à leur bonheur en leur donnant de l’affection et de l’amour, en participant également à leur sociabilisation. De plus, ils·elles apportent une aide et un soulagement pour des familles qui parfois se sentent dépassées ou démunies face à la situation de leur proche. Mais ces personnes qui travaillent dans ces établissements spécialisés ne sont pas en reste, elles aussi ont quelques choses en contrepartie : « Notre boulot en un sens est très agréable parce qu’il nous apporte une certaine sagesse et ça nous permet de garder les pieds sur terre. Souvent on se plaint de tout et de rien, et puis on voit nos résident·e·s qui ont des difficultés au quotidien à cause de leurs différents handicaps et qui pourtant sont toujours souriants. Nous qui n’avons pas ces difficultés-là, ça nous permet d’être reconnaissants au quotidien. On leur apprend des choses mais eux aussi nous en apprennent, et ça nous permet de rester » (Jacqueline).

Aroun et Dylan : les associés du défi de Gonesse

À son arrivée en 2002, quelques temps seulement après l’ouverture de la MAS, Aroun était muni d’un fauteuil roulant non motorisé et d’une tablette lui permettant de communiquer. Étant atteint d’IMOC (Infirmité Motrice d’Origine Cérébrale), il a de grandes difficultés à communiquer. Cependant, grâce à sa tablette il a tout de même réussi à faire savoir son envie de passer à un fauteuil motorisé. Il l’a finalement obtenu en réussissant très rapidement à manier l’engin, ce qui paraissait de prime abord une tâche plutôt difficile pour lui selon l’équipe. Plus tard, la tablette d’Aroun va cesser de fonctionner, et pour y remédier, les AES et les éducateur·rice·s vont alors créer un nouveau système de communication pour lui en confectionnant un classeur avec tout un catalogue d’images et de pictogrammes qu’il désigne au fur et à mesure que les pages sont tournées pour lui. Jusqu’à présent, Aroun communiquait avec ce fameux classeur mais il a récemment eu l’opportunité de le troquer pour une nouvelle tablette. Celle-ci sera un gain d’espace (car elle peut être stockée au niveau de son fauteuil, contrairement au gros classeur qui prenait énormément de place), et lui permettra plus d’autonomie puisqu’il pourra directement s’exprimer sans avoir besoin que quelqu’un ne l’aide. De plus, le programme mis en place sur la tablette permet, après la sélection de pictogrammes par Aroun, de composer une phrase qui sera émise par synthèse vocale, ce qui facilite d’autant plus la communication.

Contrairement à Aroun, Dylan n’est pas là depuis le début de l’ouverture de la MAS. Il est arrivé en 2018 et souffre d’encéphalopathie. L’équipe des professionnel·le·s a constaté plusieurs évolutions chez lui depuis cette année-là. En effet, Dylan, qui ne communique pas, est de plus en plus bavard et aussi moins craintif, mais il a surtout grandement évolué sur son bon comportement. Il arrive maintenant après plusieurs années à la MAS à faire des choses qu’il n’arrivait pas à faire avant. Sans affirmer qu’il s’agit là d’un lien direct de cause à effet, l’équipe entière a constaté un changement chez Dylan lorsqu’il a commencé à avoir la visite régulière d’un membre de sa famille. Même si rien ne prouve techniquement que ces visites récurrentes sont la cause de ces changements, nous pouvons tout de même noter là deux choses : tout d’abord l’importance de rendre visite aux résident·e·s, qu’il soit des membres de notre famille ou non, peut-être un bienfait pour eux, comme nous avons pu le faire lorsque nous nous sommes rendues à la MAS dans le but de rédiger cet article ; et ensuite, cela prouve que même s’ils n’ont pas forcément les mêmes facilité à s’exprimer ou à comprendre les choses que nous, les résident·e·s sont tout autant sensible à leur environnement. 

Aroun et Dylan ont donc tous les deux participé au Défi E-FABRIK’ en compagnie des apprenti·es, Mendel, Hawa, Ines et Adem, Hamza, et Mathieu. Mais qu’est-ce qu’un Défi ? C’est un programme pédagogique qui met en lien localement trois acteurs : une structure jeunesse, une structure handicap, et un lieu de créativité numérique. L’objectif est d’imaginer et de fabriquer ensemble une solution concrète pour répondre à une gêne qu’éprouve une personne en situation de handicap au quotidien, à l’aide d’outils numériques. La nouvelle tablette d’Aroun a alors fait l’objet d’une problématique à résoudre. En équipe avec Aroun, Mendel, Hawa, Ines et Adem ont réalisé un support de tablette pour son fauteuil. De l’autre côté, l’équipe composée de Dylan, Hamza et Mathieu ont créé un prototype qui permet de solliciter la motricité de Dylan tout en respectant ses préférences. Comme il adore la danse, la boxe et les clowns, ils ont alors créé une planche avec un clown et des leds qui s’allument tour à tour, de manière à ce que Dylan vienne appuyer dessus. Les deux prototypes leurs ont été remis lors de la Fête Locale à la Fabrique Numérique de Gonesse en février dernier et Dylan et Aroun étaient plus que ravis de leurs nouveaux objets. Après cet événement, il ne restait, pour Dylan, plus qu’à peindre le clown avant de pouvoir l’exposer dans sa chambre et d’y jouer à sa guise.

L’expérience E-FABRIK’ a permis à Aroun et Dylan de résoudre une problématique qui les gênait au quotidien, ou en tout cas d’en résoudre une partie. Mais finalement, le plus grand gain certainement pour eux, ça n’a pas forcément été de recevoir ces prototypes, mais plutôt de participer à un projet collectif en sortant de la MAS et de rencontrer du monde. Le côté inclusion sociale est l’aspect qui leur aura fait le plus de bien et c’est exactement ce qui ressort de la bouche de tou·te·s les professionnel·le·s interrogé·es. 

« On est en plein dans la loi de 2005 avec l’insertion qui était extrêmement positive pour nos résidents. Et puis ça permet aussi à vous et aux autres jeunes de rencontrer des personnes en situation de handicap. » (H. Bakari)

« J’ai trouvé que le projet était très bien. En plus, ils sortent de la MAS, ils rencontrent d’autres personnes, ils sont dans un autre milieu, ce qui leur change de d’habitude : c’est une bonne initiative. » (Marie-Ange, AES)

« L’idée de travailler en collaboration avec les jeunes, qui ne sont pas dans la réinsertion mais la remédiation en termes spécifiques, j’ai trouvé ça super cool de voir leur capacité. On passe à côté de belles choses chez les gens juste parce qu’on ne leur a pas donné leur chance et donc le fait que ça [E-FABRIK’] ça existe je trouve ça top ! Faudrait qu’on aille chercher les jeunes au lieu de les stigmatiser car parfois il manque pas grand chose pour qu’ils se réinsèrent. Ce que je trouve plutôt pas mal, c’est que ce projet réussit à créer du lien et un apport : il y a un double impact pour les jeunes, ils rencontrent des personnes en situation de handicap pour la première fois peut-être et ils sont initiés à un secteur d’activité. Et du côté de nos résidents, ça va leur apporter des choses au quotidien d’avoir un objet propre à eux, Haroun et Dylan, pour les aider. Cognitivement, ça a un réel impact. » (Stephan, éducateur)

Le mot de la fin

Lorsque nous avons interrogé les professionnel·le·s, nous avons souhaité leur demander en conclusion de chaque discussion si ils·elles avaient un mot de la fin, une dernière parole, quelque chose qu’ils·elles souhaitaient qu’on mette en avant dans notre article. Nous avons donc décidé d’en faire notre mot de la fin et d’ainsi conclure l’article avec leurs dernières paroles qui pour nous sont plus qu’importantes. Pour plus d’authenticité et pour éviter de déformer un quelconque propos, nous avons opté pour les paroles rapportées, afin de réellement faire entendre leur voix. En tout cas, avant de vous retranscrire leurs voix, nous souhaitons grandement les remercier et ce pour plusieurs choses. Premièrement, merci d’avoir accepté de participer au projet et d’avoir toutes et tous embarqués, des résident·e·s à la directrice, dans cette aventure avec nous car sans vous, le projet ne peut se faire. Deuxièmement, merci de nous avoir ouvert vos portes, une dernière fois pour faire le tour de votre établissement et discuter plus amplement avec vous de tout un tas de sujets. Enfin, troisième et dernièrement, merci d’avoir partagé avec nous tout ce que vous avez partagé, en espérant que votre parole puisse faire écho dans le cœur et dans la tête des gens comme il a pu le faire dans les nôtres. 

« On mérite du respect. On n’a pas besoin de merci, parce que les remerciements viennent des résidents. Dès le moment où on voit qu’ils sont satisfaits et qu’ils sont bien, nous on est contentes. Mais on a pas envie d’être relégués, de ne pas avoir de reconnaissance pour notre travail. Ce sont des êtres humains pour qui on travaille au quotidien, qui ressentent des choses et nous aussi : s’ils sont malheureux, on est malheureux, et si on est malheureux, ils le ressentent. Il faut qu’on reconnaisse un peu notre travail, parce que dans les médias on n’entend jamais parler de nous. On parle toujours des aides soignants en pensant aux hôpitaux, aux EHPAD, mais on oublie les structures comme la nôtre. Et en reconnaissant notre métier et les structures dans lesquelles on travaille, ça permettra aussi de reconnaître les personnes dont on s’occupe dans ces structures, que ces personnes existent aussi tout comme nous. Ce sont des personnes individuelles qui ont leur personnalité, leurs besoins et dès lors que les gens vont comprendre qu’une personne en situation de handicap à tous les droits et tous les devoirs, car oui beaucoup pense qu’ils n’ont que des droits alors qu’ils ont aussi des devoirs, on avancera. » (Jacqueline, Maîtresse de maison)

 «Juste le fait que vous soyez venu aujourd’hui, c’est que quelqu’un s’intéresse à eux, qu’il vient les voir, et ça c’est clairement pas tous les jours. Vous êtes rentrées là où personne ne va. Vous avez sûrement déjà croisé des personnes aveugles, des personnes sourdes, mais très certainement pas le polyhandicap. Quand on sort dehors, il y a deux façons de nous entrevoir. D’abord, les gens sont choqués “pourquoi ils les sortent ?” c’est vraiment la question qu’ils se posent. Et d’autre part, il y a des gens qui viennent nous voir pour nous dire “eh félicitations pour ce que vous faites, c’est super ce que vous faites”. (…) Quand une personne vient et héroïse notre métier en nous félicitant de la sorte, je pense plutôt que ce que je fais n’a rien de spectaculaire et devrait être normal aux yeux de tous, mais on doit gagner en visibilité pour arriver à ce que ça le soit. Nous, avec le polyhandicap, on est beaucoup moins visible donc on en a besoin pour que ça devienne normal. Il faudrait que ça devienne normal visuellement, autant qu’une personne qui porte des lunettes. Je pense aussi qu’on doit être ouvert et comprendre que le handicap peut choquer mais on doit travailler sur ça et ce notamment en cherchant à gagner en visibilité. » (Stephan, éducateur)

« Mon mot de fin ca serait plus un mot d’ouverture vers le futur, qu’on puisse continuer ce genre d’action avec d’autres résidents parce que, effectivement, il faut les réintégrer à la vie de la cité, ce qui fait écho à la loi de 2002. Et puis, je vous invite vous et vos lecteurs [le 26 juin] à la marche de sensibilité de Villiers-le-Bel [dont le départ se fera au gymnase Jesse Owen à 10h]. C’est une action mise en place quand j’étais éducatrice spécialisée en 2012 où on avait accompagné un de nos résidents de l’époque qui voulait passer le CFG (Certificat de Formation Général) et qui a décidé d’écrire sur l’accessibilité. Grâce à ce travail qu’il a fait, on a pu créer cette démarche qui existe encore douze ans plus tard et qui revient chaque année. Et dans ce même esprit de sensibilisation à l’accessibilité, je voudrais formuler le fait aussi qu’on aimerait bien avoir plus amplement accès à la culture, ce qui est un réel manque pour nous. » (H. Bakari, cheffe de service)